La plage, ou la petite comédie humaine sous le soleil du Midi...

Plage de Fréjus-Saint Raphaël, il y a une semaine. Le ciel était devenu plus menaçant que jamais. De sombres nuages barraient l'horizon. Soudain, de grosses gouttes de pluie se mirent à cribler le sable, laissant assez vite la place à de fortes ondées suivies d'un orage bienvenu par dessus le dôme byzantin de l'église Notre-Dame-de-la-Victoire-de-Lépante, au creux de la baie de Saint. Raphaël. La plage fut désertée en quelques instants. Plusieurs récalcitrants résistèrent puis cédèrent devant des éléments qui n'étaient plus en phase avec ce qu'on aurait pu attendre d'un après-midi méditerranéen. Quand la pluie cessa, la plage se repeupla lentement puis de plus en plus vite, tel un nouveau Far West. Une belle lumière mordorée irisait les contreforts de l'Esterel, détachant ses reliefs rougeâtres sur un fond de ciel bleu marine. Le rivage se recomposa alors dans une diversité que même l'imagination la plus débridée ne serait pas parvenue à concevoir : il y avait ceux qui tentaient de digérer le coup de blues de leur arrivée après des heures de bouchon sur la route, avec des enfants énervés par la chaleur et un retard imprévu pour récupérer les clés auprès de l'agence immobilière pour cause de ménage non fait, sans compter que l'appartement loué s'était révélé certainement plus petit que prévu, qu'il surplombait la terrasse d'un bar et que la "vue sur mer" annoncée était obstruée par un gigantesque pin parasol; il y avait ceux qui arpentaient laborieusement, seuls ou en couple, le long de la plage, luttant sans cesse contre la montée des vagues d'un côté et le sol instable fait de galets minuscules de l'autre et évitant autant que faire se peut les balles roses fluos de joueurs à raquette en mal de pratique sportive une fois l'an; il y avait les bellâtres en boxer noir qui rêvaient de devenir un jour des Daniel Craig de bord de mer, ou, un cran en dessous dans la catégorie virilité mais un au dessus pour l'humour, des Jean Dujardin, seul français oscarisé outre atlantique pour s'être tu pendant près de deux heures; il y avait les vacanciers endormis sur la plage qui ressemblaient surtout à des baleines échouées sur la grève; il y avait ceux qui déménageaient une partie de leur habitation sur un rivage déjà surpeuplé et qui se morfondaient à coup sûr de n'avoir pas pu apporter leur buffet de cuisine entre deux bouées gonflables; ceux qui se vantaient d'aller tous les midis chez "Gégé" manger une andouillette au sable; et les trop pâles (si pâles qu'ils en paraissent transparents ou maladifs, je le sais, j'en suis)... [la suite au prochain épisode]