Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les livres de Jérôme Thirolle
21 avril 2013

Renacimiento

 

Renacimiento PhotoJT

J'ai retrouvé récemment, dans quelques vieux amas de papiers oubliés, des textes que j'avais écrits il y a bien longtemps (vers la fin des années 80 pour être précis) et dont je n'avais conservé qu'un vague souvenir. Ils réclament votre indulgence car ce sont ceux d'un jeune homme de moins de vingt ans à l'époque... J'ai choisi aujourd'hui d'en mettre un sur mon blog, Renacimiento. Bonne lecture !

"Le soleil, la joie et l'insouciance, une fois mêlés, avaient anéantis tous les désirs et les malheurs de cette ville méditerranéenne. La vie se déroulait sans profondeur, juste normalement. De temps à autre, des groupes de vacanciers se dirigeaient vers la plage. Un sourire sur les lèvres. Le sourire qui reflète l'accomplissement d'un désir vague et sans vie. Les baigneurs, encore recouverts des perles marines, humectaient lentement le sol de la chaussée, lui offrant ainsi quelques instants de fraîcheur.  Un homme, un vacancier lui aussi, ne voyait pas ces ombres furtives et humides : ses yeux avaient vu une tache d'huile béante qui recouvrait une partie de la route. Il ne pensait pas à la mer, il pensait à la ville.

Il était assis à la terrasse d'un café, face à son verre d'eau minérale.

Ayant posé La Nausée de Sartre, qu'il venait de terminer, il vit cette tache et il eut envie de se lever. Pour aller ou ? Il ne le savait pas. Qu'importe, après tout.

Désespéré, urne phrase lui martelait le crâne, comme l'aurait fait un marteau sur du bronze: il en sortait un son sourd et creux .Il traversa la chaussée, brûlante sous ses pieds nus, puis fit face à un muret de briques roses saupoudré de sable invisible. Il se rendit sur la plage.

Lorsqu'il posa le pied sur le sable, chaud lui aussi, il eut l'impression d'être englouti par la Terre.

Quelques mètres plus loin, il s'assit puis, à l'aide de son doigt, traça dans le sable une suite de lettres qui s'assemblèrent en mots qui, enfin, formèrent une phrase, cette même phrase qui l'obsédait il y a quelques minutes : " C’est un garçon sans importance collective, c'est tout juste un individu ".

Il se releva et balaya du pied l'inscription.

Il prit conscience que ce qu'il avait réalisé n'existait déjà plus, et que personne n'avait pris connaissance de cette réalisation.

Poursuivant avec indifférence son chemin, il s'approcha lentement de l'eau, dont il ne percevait ni l'odeur, ni le bruit. Le pénible clapotis des vagues aurait pu le faire souffrir mais cette douleur lui fut épargnée. Machinalement, il pénétra l'eau d'un pied puis de l'autre. Ce furent ensuite les chevilles, les genoux. Une fillette qui jouait dans le sable vit cet homme étrange, dont seule la moitié supérieure du corps émergeait de l'eau. Et celle-ci d'observer celui-là.

De douces vaguelettes venaient à la rencontre de son corps. Il aurait pu être considéré par la mer comme un intrus : il en fut tout autrement.

Cet homme qui stupéfiait une fillette était adopté par le gigantesque et le millénaire. Il releva lentement la tête puis balaya l'horizon de son regard qui revenait à la vie.

Le ciel était pur, le ciel était bleu.

C'est alors qu'il vit au loin une tache blanchâtre. Impression floue et lumineuse qui se révéla être un voilier. Un superbe voilier.

La coque éclatante semblait à peine reposer sur l'étendue azur. Les mats, noirs, plongeaient vers le ciel, les voiles, blanches, offraient un but au vent fugitif. A proximité de la proue ( un chevalier moyenâgeux) était peint en lettres de braise le nom du navire : Gnôthi seauton.

Immobile, il lui lançait un défi.

Hippolyte se réjouit à cette vue. Alors, il prit conscience que l'eau était froide et que ses vêtements étaient comme soudés à son corps par l'enchanteresse insaisissable. Il sortit de l'eau, comme on remonte les quelques marches d'un baptistère. On en ressort purifié, nouveau, et reconnu par tous comme élément distinct d'un tout.

Ses pieds humides étaient recouverts par le sable doux et chaud. Il sourit. Et quitta lentement ce sable humecté et craquant pour retrouver un sable profond et soyeux.

 Il avança ainsi jusqu'au muret de briques roses. Il se retourna : la mer était calme, inactive. Rien ne venait troubler l'horizon de son regard profond. Il avait déjà oublié le navire.

Sur la plage, on pouvait apercevoir une centaine de vacanciers. Remontant les quelques marches qui le ramenèrent au niveau de la chaussée, il regarda une ruelle perpendiculaire à la mer. A son extrémité, on apercevait les portes ouvertes d'une petite église endommagée par le temps. Il ne s'y rendit pas.

Autour de lui, tout bougeait, tout parlait, tout vivait. L'agitation ambiante était rehaussée par le parfum de fleurs multicolores répandues sur des étales de bois fraîchement coupés.

La vie avait fait une conquête : Hippolyte.

Un large sourire donnait à son visage un aspect sympathique et fraternel.

Enfin heureux, il retourna au café qu'il avait précédemment quitté et commanda une boisson rafraîchissante.

Il vit sur la table, alors que le serveur lui apportait ce breuvage mystique, un livre dont il ne distinguait pas le titre. Il retourna l'ouvrage et lut : La Nausée, Jean Paul Sartre.

_ Un jour, je lirai ce livre. Le titre est évocateur, murmura t-il.

Le soleil baignait la terrasse de ce bar méditerranéen. La vie et le bonheur étaient les deux souverains de cette contrée merveilleuse.

Plus tard, la nuit tomba."

Publicité
Commentaires
Les livres de Jérôme Thirolle
Publicité
Les livres de Jérôme Thirolle
Archives
Albums Photos
Pages
Publicité