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Les livres de Jérôme Thirolle
28 avril 2013

DOMUS

Porte photoJT

Comme je l'ai dit la semaine dernière, j'ai retrouvé récemment dans quelques vieux amas de papiers oubliés des textes que j'avais écrits il y a bien longtemps (vers la fin des années 80 pour être précis) et dont je n'avais conservé qu'un vague souvenir. Ils réclament votre indulgence car ce sont ceux d'un jeune homme de moins de vingt ans à l'époque... J'ai choisi aujourd'hui d'en mettre un sur mon blog : DOMUS. Bonne lecture ! Et n'hésitez pas à partager ou à commenter...

Les ténèbres enveloppaient lentement le soir. Tout semblait inerte et minéral dans cette campagne désolée. La nuit -ou plutôt l'absence de lumière-, la nuit n'a ni couleur ni saveur. Elle est impalpable, étrange, envoûtante.

Pensant que sa recherche était vaine, le jeune homme vit soudain au loin, derrière une rangée centenaire de peupliers, quelques ombres lumineuses.

Désormais, il les distinguait clairement : il s'agissait d'une demeure haute de deux étages et large d'une douzaine de fenêtres puissamment retenues par une façade compacte et lisse.

Cet îlot de luminosité rendait l'extérieur menaçant et faisait de lui un refuge charmant, une inévitable destination. Le jeune homme ne pouvait plus détourner son regard de la façade illuminée. S'il ne s'y rendait pas immédiatement, les ténèbres l'engloutiraient et le figeraient telle une statue millénaire. Sa décision était prise : il avança.

Il avança à pas pesants, comme si une main invisible le poussait par l’arrière tandis qu'un souffle surnaturel le projetait vers l’avant. Il était charmé par la demeure. Le gravier émettait des sons sourds et atténués sous ses pas. Une bise légère lui caressait le visage tout en ébouriffant sa chevelure terne. L'air était plus frais mais moins respirable. La nécessité de pénétrer dans la demeure s'imposait à son esprit.

Il était face à une lourde porte de chêne, traversée horizontalement par des barres métalliques ornées de clous dorés. Une tête de lion sur la porte. Le bronze lui parut menaçant .Il n'osait, il ne voulait plus ouvrir la porte : elle le terrifiait.

Lentement, toujours aidé de cette main qu'il ne voyait pas, il approcha son bras de la masse végétale inerte mais ne sut la saisir.

C'est alors que, dans un grincement glacial, elle pivota sur ses gonds, laissant apparaître une nébuleuse éblouissante. La nuit ne se mêla pas à ce jour artificiel. La lumière ne fondit pas sur la nuit. Le jeune homme devenait un prodigieux miroir.

Courageusement, il pénétra dans l'antre : il s'était engouffré dans la Mort. Sous ses pieds, les mosaïques d'inspiration romaine étaient silencieuses. Il ne put déterminer l'endroit d'où fusait cette clarté ineffable.

La pièce s'inscrivait dans les concepts néoclassiques de l'architecture. Les yeux de l'adolescent furent attirés par la reproduction d'un petit temple grec ou romain, dont la partie inférieure était constituée d'une rangée de livres anciens.

L’adulte qu'il était désormais s'approcha avec majesté d’un de ceux-ci. Le temple lui faisait peur. Il ouvrit l'ouvrage avec sérénité et respect. Son titre ne l'intéressait pas : ses yeux s'étaient arrêtés sur une inscription rédigée à la main, au revers de la page de garde.

« Ce livre appartient en propre à (un mot est illisible) La Baronne de Loudenhove 1784 »

Sa pensée s'attarda sur la personne qui avait rédigé ces mots il y a plus de deux siècles.

Bien qu'il fut déjà fort âgé, il ne put s'empêcher de s'émouvoir et de verser une larme sur le livre ouvert.

Il n'était alors plus un homme, ni même un vieillard. Il comprit qu'il n’existait plus, qu'il était mort.

« La mort n'est pas telle que je me l'imaginais », murmura t-il en tombant sur le sol. Les mosaïques l'entourèrent puis l'engloutirent à jamais dans une demeure qui n'existait pas.

 La lourde porte de l'imposante demeure se referma. Les lumières disparurent à leur tour.

Les ténèbres avaient désormais tout recouvert de leur voile opaque.

La campagne désolée était solitaire.

Tout était minéral.

Ténèbres PhotoJT

 

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