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Les livres de Jérôme Thirolle
23 mai 2014

Chapitre 15 Hasard et destinées...

 

Le chat et la souris PhotoJT

Chapitre 15

Hasard et destinées…

APRÈS DE LONGUES HÉSITATIONS, le Congrès américain vota enfin la guerre contre Guillaume II et ses alliés. Le discours prononcé par le président Thomas Woodrow Wilson le 6 avril 1917 avait fini par convaincre les parlementaires que leur neutralité affirmée et leur volonté de rester en dehors de ce conflit, que l’on pouvait désormais qualifier de mondial, n’était plus défendables.

Certains esprits chagrins n’y virent que la volonté d’éviter une remise en cause de la sécurité des échanges internationaux en raison de la guerre à outrance que menaient les Allemands sur toutes les mers du globe depuis 1914.

La motivation de Wilson et de beaucoup de ses concitoyens était en fait beaucoup plus noble, si étrange que cela puisse paraître à des consciences modernes empreintes naturellement d’un cynisme démobilisateur. Les Américains venaient de décider d’entrer en guerre pour préserver une valeur fondamentale à leurs yeux : la démocratie.

L’Amérique ne disposait cependant pas d’une véritable armée. Les initiatives se multiplièrent alors de l’autre côté de l’Atlantique pour rallier une opinion peu encline à prendre fait et cause pour de lointains territoires, fût-ce dans le dessein de préserver la paix dans le monde... Des stars de l’époque comme Mary Pickford ou Douglas Fairbanks multiplièrent les manifestations pour convaincre la population du bien-fondé de l’engagement des troupes à l’extérieur.

Quoi qu’on ait pu en dire plus tard, c’est donc sur la base d’un principe généreux et désintéressé, l’idéal démocratique, que des milliers et des milliers de « sammies » prirent le chemin d’un Vieux Continent qu’ils auraient été bien en peine de situer sur un planisphère...

 

* *

*

« Un planisphère, ça ?... »

Contrairement à ce que lui avait dit son ordonnance, le général Barboint de Maugier constata qu’il s’agissait plutôt d’un globe terrestre. De deux globes, plus exactement : l’un terrestre, l’autre céleste.

L’appellation était erronée mais l’indication tout à fait juste. En l’avertissant du caractère particulier de la chose, le jeune soldat n’avait pas menti. Le général n’en croyait pas ses yeux…

Comment aurait-il pu imaginer trouver dans ce village abandonné par ses habitants depuis cinq ou six semaines au moins à la suite d’intenses bombardements meurtriers de telles merveilles de précision et de délicatesse ?

Dieu merci, la toiture en s’effondrant avait épargné ces deux chefs-d’œuvre ! De loin, rien ne les aurait différenciés de ceux que l’on voyait dans les bonnes bibliothèques bourgeoises, mais, en s’approchant, d’étonnants détails se révélaient soudain au regard.

Alexandre-Stanislas de Maugier se fraya un passage entre les carcasses de fauteuils calcinés, les poutres, les chevrons et les innombrables tuiles brisées qui, au milieu des moellons arrachés aux murs de la demeure, jonchaient le parquet. Le vent qui s’engouffrait désormais dans la maison faisait tourner les pages des nombreux livres éparpillés un peu partout. Le général aurait voulu connaître le précieux érudit qui avait accueilli au sein même de son cabinet de travail ces deux pièces exceptionnelles.

Il avait beau réfléchir, il n’avait jamais rien vu de pareil... Le globe terrestre semblait représenter assez classiquement les diverses régions de la Terre. Mais en y regardant de plus près, on s’apercevait très vite que ce qu’on avait pris un peu rapidement pour les contours des continents n’était en fait qu’un amoncellement infini de corps dénudés dans des positions plus osées les unes que les autres. Il n’y était point non plus question de noms de contrées, de mers ou de fleuves mais d’un flot d’injures obscènes et pornographiques. Sur la sphère, les hommes se mêlaient aux femmes, les enlaçaient, les forçaient, les pénétraient sans fin...

Dans certaines contrées, les femmes n’avaient commerce qu’avec leurs semblables. Ébloui par tant d’inventivité crue, le général manqua de s’étouffer quand il découvrit qu’à la place de l’Australie toutes sortes d’animaux, réels ou fantastiques, s’accouplaient avec une gent féminine abandonnée aux confins de l’extase...

Il en était de même pour le globe céleste : certaines constellations allèrent jusqu’à lui révéler des pratiques qu’il ne soupçonnait pas.

Il resta longtemps devant ces deux objets hauts de un mètre environ sur un mètre de diamètre. À n’en pas douter, il venait d’atteindre le paradis...

Un énorme obus tiré depuis la vallée voisine mit fin à ces instants de pure félicité. L’explosion souffla au moins trois ou quatre maisons aux alentours, anéantissant d’un coup celle où se trouvait le général. Le dernier Barboint de Maugier susceptible de transmettre son nom venait de disparaître comme il avait toujours vécu : dans la paillardise et dans le sang. Le dernier ?... À moins bien sûr que son frère disparu, Louis- Amédée, ne fût encore en vie, quelque part…

 

* *

*

Au moment où le général de Maugier s’enivrait des trésors érotiques qu’il avait découverts dans la maison en ruine, son épouse, Marie-Uranie, attendait avec impatience la livraison de ses nouveaux gants : deux paires gris perle à cinq boutons et une paire teint de rose à mouchettes en dentelle de Calais. Ces modèles, à la fois sobres et frais, s’accorderaient sans peine à ses nouvelles toilettes. Elle pensait notamment à une robe du soir en satin de soie ivoire dont le buste soulignait particulièrement bien la taille et étoffait la poitrine.

Depuis la mort de son fils et en l’absence de son mari, elle consacrait toute son attention à l’embellissement de sa garde-robe. Une manière pour elle de continuer d’exister à l’extérieur quand tout s’était effondré à l’intérieur. Éloïse, sa fille, ne se sentait ni la force ni le courage de lui faire des remontrances. La femme du général s’était trouvé un but dans l’existence, un point c’est tout. Il n’était pas nécessaire de s’en offusquer. Mieux valait en prendre acte en attendant des jours meilleurs...

 

* *

*

La veille, ignorant les recommandations de sa mère qui voulait l’en dissuader, Élise décida de faire parvenir à Marguerite Duplantier quelques-uns des modèles qu’elle avait réalisés dans le plus grand secret à partir de tout ce qu’elle avait pu récupérer ici ou là. Elle avait choisi cinq paires de gants qu’elle avait confectionnés puis ornés en pensant à Paul, son héros lointain. Elle les avait voulus à la gloire des valeureux soldats qui risquaient chaque jour leur vie pour défendre leur pays.

Sur un cuir de couleur claire, elle avait cousu, brodé et teinté force symboles patriotiques où les drapeaux tricolores le disputaient aux feuillages d’or et où les palmes et les lauriers tressaient des couronnes de victoires à un coq dont les ergots enserraient un casque à pointe renversé.

Marguerite Duplantier les emporta avec elle à l’issue de sa tournée, rassurant la jeune fille sur le fait qu’elle les examinerait dès qu’elle aurait un instant de libre. Une fois de retour dans son bureau, l’entrepreneuse saisit le petit paquet de papier bleu, déchira l’enveloppe et déposa les gants sur la table. Au fond d’elle, une crainte se faisait jour : celle de constater que la petite des Vieilles Cours avait du talent...

Heureusement, son tourment ne dura pas longtemps. Après quelques secondes d’un silence recueilli, Marguerite éclata de rire, un rire qui jaillissait du plus profond d’elle-même, un rire soudain et apaisant.

Que croyait donc cette petite dinde ? Elle se mit à rire de plus belle. Pensait-elle rivaliser avec les modèles de la Fabrique ? La petite sotte ! Elle examina une dernière fois les gants avant de les jeter dans un coin, juste à côté des colis prêts à être expédiés.

« Il n’y a ni élégance ni séduction dans ces gants ! s’écria t- elle. Cette petite ne comprendra jamais rien au bon goût ! Et puis quelle idée !... Vouloir étaler la guerre sur des gants ! C’est encore ce vieux grigou d’Auguste qui a dû lui mettre cette ineptie en tête... »

Le hasard, fidèle compagnon d’Élise, intervint cependant une fois de plus dans le cours de sa vie. Par erreur ou inadvertance, les gants furent joints à une commande en livraison sur Chaumont et personne ne s’aperçut de la bévue...

 

* *

*

En ouvrant le colis qu’un coursier venait de déposer chez elle, Marie-Uranie Barboint de Maugier eut un instant de stupeur en apercevant sur le dessus du paquet deux paires de gants brodés d’attributs militaires aux couleurs flamboyantes. L’effet de surprise fut total !

« Quelle délicate attention ! s’écria-t-elle en songeant à son jeune fils mort au champ d’honneur. Les larmes lui vinrent aux yeux. Des larmes de nostalgie et de tristesse, mais des larmes de joie aussi : la joie de savoir qu’elle pourrait arborer en société sa fierté d’avoir eu un fils sacrifié pour la liberté du peuple, la joie de rendre hommage à un jeune héros trop tôt disparu...

– Mariette, Mariette, vite, aide-moi à me préparer !...

– Que se passe-t-il, Madame, vous êtes toute pâle, auriez-vous aperçu un fantôme ?…

– Mieux que cela, Mariette, une résurrection ! La mienne et celle de Stanislas ! Regardez ces gants, ne sont-ils pas magnifiques ?

– Assurément, Madame, ils le sont... C’est la première fois que j’en vois ornés de la sorte !

– C’est certainement un présent de mon ami Jules Trefandhéry. Je dois aller le remercier sur-le-champ ! Allez, vite ma fille, ne perdons pas de temps... »

Madame de Maugier se rendit à pied à la Fabrique. D’habitude, elle ne se déplaçait jamais autrement qu’en calèche mais l’affaire lui semblait de si grande importance qu’elle ne pouvait attendre que son véhicule soit préparé...

À peine arrivée, elle fut conduite sans difficulté auprès du directeur.

« Chère amie, que me vaut votre visite de si bon matin ? s’exclama Jules Trefandhéry après avoir baisé sa main qu’il venait de découvrir…

– Jules, mon ami, je viens pour vous remercier...

– Me remercier ?...

– Oui, pour les gants !

– Étaient-ils conformes à vos attentes ?

– Non, Jules, pas ceux-là, les autres...

– Quels autres ? Marie-Uranie, je ne vous suis plus... »

Elle expliqua brièvement la surprise qu’elle avait éprouvée un peu plus tôt en ouvrant son colis et lui décrivit ensuite longuement la finesse et la magnifique extravagance de cette nouveauté patriotique...

« Je vous assure que je n’y suis pour rien, ma chère, et croyez bien que je le regrette en voyant toute la passion qui vous anime soudain. Je vais appeler mademoiselle Duplantier, elle aura certainement une explication à nous fournir ! »

Quand Marguerite fut introduite dans le bureau, elle tremblait légèrement. Le directeur lui expliqua la situation dans le détail en la remerciant de bien vouloir les éclairer...

L’entrepreneuse comprit instantanément tout le bénéfice qu’elle pouvait tirer de cette situation… Tout était clair dans sa tête : les cinq paires de gants confectionnées par Élise, l’ouverture du paquet bleu sur sa table de travail et l’envoi par erreur de deux d’entre elles avec la commande de Madame de Maugier...

« En toute modestie, monsieur Trefandhéry, je dois confesser que je suis à l’origine de cette initiative, murmura Marguerite en inclinant légèrement le buste, les yeux vers le sol. J’ai pensé que l’épouse du général de Maugier apprécierait ce geste à son égard... C’est que Madame est l’une des meilleures clientes de la ganterie...

– Je ne puis que vous féliciter, ma chère Marguerite, s’écria Jules avec satisfaction pendant que madame de Maugier lui donnait l’accolade ! L’idée est excellente et la réalisation, à ce qu’on vient de m’en dire, hors du commun ! Il m’en faut voir d’autres, rapidement...

– J’en ai fait réaliser trois autres paires... Si Monsieur le directeur accepte que je les lui montre, j’irai les chercher de ce pas...

– Allez-y Marguerite, filez et rapportez-nous ces merveilles... » 

* *

*

La panique commença à la gagner : elle ne trouvait aucune trace des paires restantes. Tout en fouillant et bousculant tout ce qui se trouvait sur les tables de l’atelier, Marguerite haletait et poussait des petits cris de souris affolée.

« Bon sang ! Mais où sont-ils !... Je vous en conjure, saint Antoine de Padoue, grand voleur grand filou, rendez ce qui n’est pas à vous...

Elle se raccrochait à ce qu’elle pouvait. Les gants n’étaient ni dans son bureau ni dans les ateliers voisins et personne ne semblait les avoir vus.

Une haine absolue et oppressante submergea alors son cœur de pierre.

« Mais qui m’a fait ça ? Qui m’a fait ça ? » hurlait-elle dans les couloirs de la Fabrique quand elle aperçut au loin, sortant de l’atelier de cartonnage du rez-de-chaussée, une jeune femme qu’elle affublait régulièrement du sobriquet de « Gloire sans pain ». Elle ne pouvait pas supporter cette fille, pauvre mais digne, qui « allait jusqu’à repasser les cordons de son tablier » pour reprendre ses propres termes. Elle vouait une animosité instinctive autant qu’une jalousie incompréhensible à cette frêle « sans le sou », à la peau laiteuse parsemée d’innombrables taches de rousseur. Elle ressemblait comme deux gouttes d’eau au portrait de la « femme rousse » de Toulouse-Lautrec. Quand on voyait l’une, on croyait voir l’autre...

« Qu’avez-vous fait des gants ? » cria-t-elle sans retenue.

La jeune femme sursauta.

« Quels gants, Madame ?

– Les gants patriotiques ! Madame de Maugier n’en a reçu que deux paires ! Où sont les trois autres ?

– Je ne sais pas, Madame, je ne les ai pas vus, répondit-elle avec frayeur et incompréhension…

– Vous mentez, charogne ! Oh ! mon Dieu, je comprends tout maintenant, vous les avez fait disparaître...

– Pardon ?…

– Oui, disparaître ! Comment n’ai-je pas vu clair plus tôt dans votre jeu ! Vous ne pouviez pas supporter la vue même de ces cocardes tricolores...

– Mais Madame...

– Taisez-vous ! L’affaire est entendue ! Je vais demander audience au directeur ! »

Marguerite Duplantier fut introduite de nouveau dans le bureau de Jules Trefandhéry. Madame de Maugier était partie.

« Vous les avez ?

– Non, Monsieur le directeur, mais j’ai une épouvantable nouvelle à vous annoncer !

– Parlez, je vous écoute, dit-il avec un peu de surprise dans la voix.

– Tout est de la faute d’une de vos ouvrières, elle a détruit volontairement les gants...

– Mais pourquoi aurait-elle fait cela ?

– Mais Monsieur, il s’agit d’Églantine Dindabeille, la femme de ce soldat qui a été fusillé pour trahison... »

Un silence pesant interrompit la discussion.

« C’est une femme sans honneur qui ne vit que dans l’infamie de ses sentiments antipatriotiques ; elle est fourbe et dangereuse… Qui sait ce qu’elle a pu faire à notre insu jusqu’à aujourd’hui ? Quand je pense qu’elle a saboté la commande de madame de Maugier dans le seul dessein d’affaiblir les espoirs de la France... Comment peut-elle se regarder dans le miroir chaque matin ?... Sa seule présence parmi nous est une insulte à tous ceux qui souffrent dans leur chair de cette guerre qui n’en finit plus ! Si je puis me permettre, vous n’auriez pas dû la garder quand son mari a été passé par les armes ! Les lâches et les traîtres n’ont pas leur place chez vous, monsieur Trefandhéry... Et vos employés ne comprendraient pas que vous hébergiez sous le même toit d’honorables veuves et de bien pauvres orphelins de guerre à côté de cette sale espionne à la solde du gouvernement allemand...

– Vous avez raison, Marguerite. Allez rassurer les ouvrières de son atelier et faites la venir, je vais la recevoir... »

La rencontre eut tout d’une tragédie antique. Le directeur de la ganterie se fit assister d’un cadre de la manufacture en qui il avait toute confiance et qui était son ami par ailleurs.

Il ne permit pas à la pauvre Églantine de s’asseoir, lui exposa les faits et lui fit connaître sa décision.

« Vous quitterez la Fabrique aujourd’hui même ! Le service comptabilité vous remettra vos gages... »

Elle le supplia, se traîna à ses pieds, l’implora de ne pas la renvoyer. Elle jura cent fois qu’elle n’avait rien fait, qu’il s’agissait d’une méprise...

« Ne jurez pas ! trancha Jules Trefandhéry. Votre parjure ne m’en est que plus pénible encore... »

Elle voulait comprendre, elle voulait pouvoir sortir de cette nasse pour retrouver son quotidien et élever ses trois enfants dans la dignité...

« C’est votre mari et vous qui avez condamné ces enfants à l’infamie ! »

Églantine ne parvenait plus à articuler de mots audibles tant elle pleurait, elle ne comprenait pas ce qu’il leur arrivait...

Quand elle quitta le bureau, le directeur éprouva le sentiment du devoir accompli.

« Tu as vu comme elle te suppliait ! s’exclama son ami, tu aurais pu passer un peu de bon temps avec cette jolie rouquine, Jules...

– De toute manière, je l’aurais licenciée...

– Et alors, l’un n’empêche pas l’autre... »

 

* *

*

La jeune veuve partit précipitamment de la Fabrique et alla chercher ses enfants. Elle les conduisit ensuite à la basilique Saint-Jean en leur demandant de l’attendre bien sagement.

Elle glissa au plus âgé des trois un morceau de papier sur lequel elle avait griffonné d’une main maladroite un seul mot : « pardon ». Un modeste testament pour un bien lourd héritage...

Que firent-ils du papier ensuite ? L’histoire ne le dit pas... Reste à espérer qu’ils l’aient conservé précieusement car c’était le seul souvenir qui leur resterait d’elle...

 

Le soir même, elle se jeta du viaduc, le cœur plein de larmes et les yeux rougis des pleurs à venir de ses bambins. Personne ne sait ce qu’ils sont devenus. Peut-être cherchent-ils encore aujourd’hui, si Dieu leur a prêté vie, les clés des noirs desseins qui les ont dépassés ?...

Quand, ce même soir, Marie-Uranie Barboint de Maugier s’endormit dans ses draps propres et frais, tout juste repassés par Mariette, elle ne pouvait pas savoir qu’elle était veuve désormais, elle aussi...

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