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Les livres de Jérôme Thirolle
8 février 2016

Times New Roman

 

Vrac PhotoJT

Le boiteux du parc Sainte-Marie (Editions Gérard Louis) : suite...

 

Début octobre 2008

 

— Et une ramette de papier supplémentaire, une ! François Larosière ne comptait plus le nombre de feuilles A4 que l’imprimante de son ordinateur avalait pour les recracher, plus ou moins silencieusement, couvertes de signes en Times New Roman taille 12 (intervalle 1,5 pour être précis.).

 

A la manière d’un boa qui aurait ingurgité une proie d’une taille invraisemblable, il digérait peu à peu les innombrables informations qui se répartissaient en monticules ordonnés avec soin aux quatre coins de son appartement.

 

Ici une pile consacrée aux attractions, là une autre relative aux principaux personnages de l’Expo, un peu plus loin encore une autre sur l’organisation administrative qui avait sous-tendu cette aventure. Son domicile n’était plus qu’un vaste chantier envahi de documents hétéroclites. Et pourtant, contrairement aux apparences, il y avait un ordre dans cet invraisemblable capharnaüm, un ordre précis et défini que lui seul pouvait décrypter… Il avait lu et relu longuement aussi le journal que Jeanne Lierich lui avait confié avec le secret espoir d’y découvrir un aspect méconnu de l’Exposition. Sur ce point, ses espérances avaient été déçues : les commentaires de Camille Boulier étaient intéressants mais ils n’en demeuraient pas moins ceux d’une fillette de douze ans émerveillée devant le spectacle inhabituel qui s’offrait à elle. Si certaines remarques étaient frappées au coin du bon sens et démontraient une faculté aiguë d’observation, la plupart correspondaient plutôt aux sentiments que pouvait éprouver une demoiselle de son âge. Il y avait certes l’anecdote de l’enveloppe perdue mais le directeur du Centenaire ne voyait pas très bien ce qu’il aurait pu en faire. Il n’y avait hélas pas matière à exploiter l’incident. L’imagination débordante de la jeune fille avait certainement nimbé ce non-événement d’un halo de mystère mais la réalité était plus décevante : un individu louche, poursuivi par une escouade de brigadiers du Parc, avait perdu dans sa fuite quelques papiers sans importance, voilà tout.

 

L’assassinat du bijoutier avec en toile de fond le vol du diamant pouvait en revanche faire l’objet d’une mise en valeur particulière. Pas en tant que tel, bien sûr, mais intégré à un ensemble un peu plus large. François songeait ainsi à faire réaliser quelques panneaux sur des faits divers qui s’étaient déroulés autour de Nancy à cette époque.

 

Le meurtre d’Hector Boulier et la destinée tragique de la Larme du Ciel pouvaient constituer un bon début. Un peu léger pour le moment, mais un bon début tout de même…

 

— Yvon Ploumanac’h ! Je vais appeler Yvon Ploumanac’h répéta François Larosière comme s’il eut psalmodié une incantation salvatrice.

 

L’homme au patronyme bretonnisant travaillait depuis plusieurs années à la bibliothèque municipale. A défaut de pouvoir retourner sur ses terres d’origine, il avait dû se contenter d’une affectation en Lorraine à sa sortie d’école. Les mutations de fonctionnaires - fussent-ils territoriaux - ne se font pas toujours selon les desiderata des intéressés, loin s’en faut. La sacro-sainte mobilité prônée avec conviction par des évaluateurs intransigeants qui n’ont jamais bougé ou presque de Paris a la vie dure ! Encore une spécificité dont la France a le secret : affecter des gens là où ils ne veulent pas aller tout en refusant au même moment à d’autres qui voudraient en partir le privilège de leur donner satisfaction. Un semblant d’équité vaut certainement mieux qu’un commencement d’intelligence…

 

Yvon Ploumanac’h s’était donc fait peu à peu à sa nouvelle contrée et avait fini par se spécialiser dans l’accès aux périodiques de 1880 à nos jours. Il serait à coup sûr d’un précieux secours à François Larosière pour dépouiller les archives de l’Est Républicain à la recherche d’articles traitant de la mort du bijoutier nancéien.

 

François avait cependant une tâche plus urgente : il avait rendez-vous avec un caméraman et un journaliste de France 3 pour une interview télévisée prévue dans l’après-midi. Un reportage devait passer le soir même pour signaler qu’une commission municipale avait finalement opté pour le parc de la Pépinière pour les festivités du Centenaire de 1909. Le tournage aurait lieu soit près d’une statue du parc, soit près du kiosque à musique. Les journalistes choisiraient sur place en fonction de leurs propres critères. A défaut d’être idéal, l’emplacement de l’Exposition à venir avait maintenant le mérite d’être connu. Il ne restait plus au directeur qu’à orchestrer la suite des opérations.

à suivre...

 

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