Cabines téléphoniques...

Qui aurait pu prédire qu’un jour la simple vue d’une cabine téléphonique sur un trottoir de la petite commune de Vacherauville dans la Meuse susciterait en moi un doux parfum de nostalgie ?...

C’est au moment de les voir disparaître petit à petit du paysage que je réalise qu’elles nous accompagnaient discrètement depuis plusieurs décennies, avec même une certaine humilité. Elles n’avaient certes pas les rondeurs rougeoyantes si facilement reconnaissables de leurs voisines britanniques mais, tout en angles, elles étaient pourtant bien visibles dans leur allure un peu surannée et on les croisait parfois dans des lieux aussi improbables que surprenants…

Pourtant, il va falloir se faire une raison. Comme l’automobile a rendu en son temps le cheval inutile, le téléphone portable -dans ses innombrables et incessantes variantes- les pousse désormais vers une sortie inéluctable de nos souvenirs.

J’espère qu’il en restera tout de même ici ou là quelques-unes, au moins pour mesurer à quel point nos modes de vie évoluent sans cesse. Pour faire œuvre de mémoire...

Paradoxalement, je ne suis pas certain que notre époque de « mobilité » exacerbée soit in fine le gage d’une vraie liberté. Ces hauts « pavés » (géométriquement parlant) de métal et de verre un peu disgracieux qui hérissaient les devantures des bureaux de poste, les carrefours ou les larges boulevards respectaient davantage dans leur fixité un peu raide notre capacité d’aller et venir sans « fil à la patte », ce dernier fût-il de nos jours sans « fil » au demeurant… Mais bon, le moment est venu de passer  autre chose, tout simplement.

Souvenons-nous de ces cabines téléphoniques estampillées France Telecom (sans remonter aux P T et T !) à pièces de monnaie, avec un vieil annuaire posé sur la tablette qui nous dépannait bien quand c’était nécessaire, sauf lorsqu’il manquait la page recherchée… Comme tout cela semble loin maintenant !

Leur disparition est méthodiquement programmée -en trouver une devient presque difficile, surtout en état de marche !- aussi bien en milieu urbain qu’en zone rurale. Et c’était là aussi l’une de leurs caractéristiques : on les croisait partout, à la ville comme à la campagne, sans que la « couverture réseau » ne vienne jamais altérer leur ubiquité territoriale…

Abri pour la pluie parfois, lieu de toutes les rencontres dans des cas plus marginaux, elles n’étaient pas toujours ragoutantes et n’avaient rien à envier pour certaines d’entre elles aux pissotières de jadis, odeur et graffitis en prime.

Adieu les quolibets qu’on réservait aux petites associations ou aux micro-partis politiques dont on raillait la taille en précisant qu’ils ou elles se réunissaient dans des « cabines téléphoniques »… Il faudra trouver autre chose. A moins que l’expression ne perdure à leur existence, un peu comme le fait de « marcher dans les clous »…

Elle s’éloigne l’époque des pièces de monnaie que la machine n’acceptait pas (heureusement, les horodateurs et autres caisses de parking ont pris la relève…).

Elle s’éloigne l’époque des cartes téléphoniques, arborant d’abord les seules couleurs blanche et bleue de France Telecom puis bien vite conquises par des messages de toutes sortes : publicités, commémorations, séries à thèmes, actualité, etc.  Qui n’a pas cherché alors à s’en procurer une, éditée si possible dans un très petit nombre d’exemplaires, celui de leurs collectionneurs actuels, un peu comme les pin’s… ?

Elle s’éloigne l’époque des interminables files d’attentes sur les lieux de vacances pour échanger quelques mots avec le reste de la famille ou avec l’élu(e) de son cœur… Que de sacrifices et de petits mensonges ont été consumés dans ces rectangles de verre transparents, seuls à même de briser les frontières de la distance, de toutes les distances…

Refermons-là cependant la séquence nostalgique que la cabine téléphonique de Vacherauville a fait naître en moi. Je dois vous laisser, la sonnerie de mon portable vient de retentir…    ;-)