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Les livres de Jérôme Thirolle
26 août 2016

Maître Nator...

Nator_PhotoJT

« La puissante cylindrée du Chef s’arrêta, tous phares éteints, devant une longue maison sans étage, un peu à l’écart du village.

— Diego, tu restes là. Jette un œil aux alentours. Jay, tu m’accompagnes, le vieux nous attend. Les ordres du Chef étaient précis et ne se discutaient pas. Jamais. Les deux hommes se dirigèrent sans hésiter à travers une enfilade de pièces encombrées. Il faisait presque froid au cœur de cette bâtisse dont l’épaisseur démesurée des murs rappelait qu’elle avait été il y a dix siècles environ une commanderie templière. Jay était sur ses gardes. Il n’aimait pas venir là : l’endroit ne lui inspirait pas confiance.

Les doigts serrés sur la crosse de son revolver, il était à l’affût du moindre signe suspect. Pas par peur, mais par prudence. De forte corpulence, il avait le crâne rasé, la barbe courte et portait deux grands anneaux aux oreilles ainsi que des lunettes de soleil aux verres fumés. En toutes circonstances. En hiver et en été, à l’intérieur et à l’extérieur, de jour comme de nuit. Un toucan percé d’une épée, tatoué sur sa nuque épaisse, complétait l’ensemble.

Assis derrière un bureau surchargé d’une quantité invraisemblable de parchemins, de livres ouverts et d’ustensiles mystérieux, Nator regardait les deux hommes s’avancer vers lui sans ciller.

— Je vous attendais.

Nator était une figure dans le milieu des chercheurs de trésor. Depuis une éternité. Les liens qu’il avait toujours entretenus avec les uns et les autres n’avaient jamais été très clairs mais il était considéré de manière unanime comme LE meilleur spécialiste en ce domaine. Il avait tout analysé au fil des ans, tout étudié, tout exploré : les moindres recoins du village comme les théories, les souterrains oubliés comme les hypothèses les plus audacieuses. Sans résultat cependant.

Son immense barbe grisâtre et la toque de fourrure qu’il portait sur la tête ne laissaient transparaître qu’une faible surface de peau, ridée à l’extrême et marquée de taches plus ou moins sombres, mais ses deux yeux plissés, animés d’une vivacité sans pareil, trahissaient un esprit encore alerte malgré son grand âge. L’homme était une énigme à lui seul. Même son mode de vie le différenciait de tous les autres : là, dans sa commanderie séculaire -du moins ce qu’il en restait- il vivait en solitaire parmi ses livres et ses ambitions. Une en tout cas : celle d’être le premier à résoudre le mystère de Rennes-le-Château !

Le Chef regardait avec respect mais aussi dégoût cette espèce de vieux serbe toujours vêtu d’un sarouel crasseux et dont les ongles sales et démesurément longs plongeaient sans relâche dans des piles de papiers entremêlés. Ici et là se consumaient des bandelettes de papier d’Arménie dont les effluves entêtants mêlaient au benjoin du Laos l’odeur de moisi et d’humidité qui imprégnait tout dans cette vaste pièce…

Une atmosphère presque étouffante au sein de laquelle le vieil homme et Darwin, son chat, semblaient se complaire.

Nator ne prenait jamais de douche ou de bain : il ne se servait que de serviettes humides imprégnées de parfum avec lesquelles il frottait son corps une fois par semaine. Le papier d’Arménie se chargeait de purifier le reste. Un homme à part… »

Le Coeur des écorchés, éditions Gérard Louis

 

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