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Les livres de Jérôme Thirolle
15 novembre 2016

Le trésor de l’abbé Saunière…pour les nuls ! 1/2

 

P Jarnac PhotoJT

 

Qui n'a pas entendu parler du trésor de l'abbé Saunière et des mystères de Rennes-le-Château ? Ici un article de journal ou un livre, là une émission de télé ou un feuilleton... L'énigme est partout et nulle part à la fois, connue mais méconnue... On sait, ou plutôt on croit savoir de quoi il s'agit, mais lorsque le moment de donner quelques précisions se présente, l'exercice se complique.

Pour vous aider à y voir plus clair, je vous propose donc de découvrir en deux parties des extraits du Coeur des écorchés, extraits qui vous révèleront tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Bérenger Saunière et ses incommensurables richesses sans avoir jamais osé le demander...

 

« — Vous connaissez donc Rennes-le-Château depuis plus de quarante ans ? fit-elle pour reprendre une conversation qu’elle anticipait comme riche d’enseignements.

— Quarante-quatre très exactement ! N’est-ce pas, Jacques ! Quarante-quatre années, quarante-quatre étés consacrés à l’abbé et à ses mystères…

— C’est de la persévérance ! dit-elle en hochant la tête avec admiration.

— Ou de l’obstination… souffla Richard, que les précédents échanges avaient quelque peu agacé.

— Non, Richard, vous vous trompez, ce n’est pas de l’obstination. Mettez plutôt cela sur le compte de la curiosité et de l’attrait pour la nouveauté, deux qualités ou deux défauts, c’est selon, qui nous habitent depuis bien longtemps.

— Après quarante-quatre ans, elle ne doit plus être très fraîche la nouveauté !

Victoire lui donna un coup de coude et Jacques Girafe plongea le regard vers son assiette.

— Détrompez-vous, Richard, répondit Max avec lenteur, ces années ont été tout sauf monotones.

— Vous avez connu le village à l’origine ? demanda Victoire avec une attrait que la passion commençait à attiser.

— Les origines, peut-être pas, mais nous y avons mis les pieds pour la première fois, un peu par hasard d’ailleurs, au début des années 60. Cela ne nous rajeunit pas !

— En somme, rien n’a changé… soupira le jeune homme.

— Mon pauvre Richard, si vous saviez comme tout a changé, bien au contraire ! Quand la fièvre du trésor s’est répandue et que les chercheurs ont envahi le village, nous nous sommes tous lancés dans une course folle et joyeuse à la recherche de l’or caché de Saunière. C’était à qui creuserait le trou le plus profond, abattrait un mur ou décrypterait le premier un indice laissé par l’abbé ! Et nous n’étions pas en reste, Jacques et moi ! On en a pelleté des brouettes de terre et de cailloux !

— Vous étiez nombreux ?

— Chaque jour un peu plus ! On avait même fini par se regrouper en équipes, toutes concurrentes, mais toutes aiguillonnées par la même ambition, le même espoir : retrouver les richesses supposées immenses de Rennes-le-Château ! Et le tout dans une ambiance anarchique et festive qui a constitué en quelque sorte l’âge d’or de cette épopée. Il fallait voir les rues du village à l’époque ! Vous croisiez des chercheurs dans tous les recoins, couverts de poussière et trimbalant les gravats de telle ou telle excavation sauvage ! Une ruée vers l’or sans ordre et sans discipline qui a contrarié peu à peu les habitants de Rennes. Au départ, voir débarquer tous ces olibrius un peu timbrés les a amusés puis, au fil du temps, ils ont commencé à déchanter : les dégâts, les dégradations, les allées et venues incessantes, le bruit, les marteau-piqueurs à toute heure du jour ou de la nuit et même les tirs à la dynamite pour ouvrir encore plus profondément les entrailles déjà caverneuses du village ! Il est vrai que certains chercheurs ont largement dépassé les bornes mais on était tous pris dans une spirale dont il était difficile de sortir. Et c’est donc tout naturellement que l’amusement des autochtones a laissé la place à la lassitude pendant que la curiosité s’est progressivement effacée au profit de la colère. Je les comprends aujourd’hui, il fallait se mettre à leur place… C’est ainsi également que le maire, plutôt acquis à notre cause au départ, a fini par prendre sa fameuse décision du 28 juillet 1965 interdisant les fouilles sur tout le territoire de la commune ! Elles ne se sont pas arrêtées pour autant, elles ont continué plus discrètement, voilà tout !

— L’époque était quand même plus rustique, ajouta Jacques Girafe. Rien n’a été épargné ! Pas un seul mètre carré du domaine de l’abbé n’y a échappé ! Tout a été poêlé, fouillé, visité…

— Poêlé ? répéta Victoire

— Oui, avec une poêle à frire, reprit-il, un détecteur de métaux, si vous préférez. Je vous concède que les moyens mis en œuvre étaient moins performants qu’ils ne le sont devenus aujourd’hui mais la sincérité et l’authenticité compensaient sans difficulté ce manque de technicité ! Tout a été sondé : la Tour Magdala, le belvédère, les jardins, la chapelle, les escaliers et même l’intégralité des cheminées de la villa. Sans succès cependant.

— La folie qui s’était emparée de nous nous avait fait perdre toute retenue, reprit Max. Certains chercheurs se sont même attaqués au cimetière, creusant ici ou là, déplaçant des pierres tombales, si bien que le maire est intervenu pour restreindre l’accès du champ des morts aux seuls habitants du village. Mais je conserve néanmoins de cette période un souvenir très agréable. J’ai encore en mémoire ces soirées épiques où nous nous retrouvions une fois la nuit tombée à l’Hôtel de la Tour pour exposer nos théories, à défaut de nos trouvailles ! Nous refaisions le monde jusqu’aux premières lueurs du jour avant de retrouver nos pioches, nos pelles, nos seaux et nos burins ! Mon Dieu quelle époque ! Aujourd’hui, tout a changé : il n’y a plus de fouilles, la plupart des chercheurs se sont retirés au profit des touristes et des curieux, les radiesthésistes de tout poil ont quasiment disparu. En résumé, l’ambiance n’est plus la même !

— Et la technique a pris le pas sur l’amateurisme d’antan, ajouta Jacques avec une nostalgie qui faisait presque peine à voir. Adieu la dynamite et l’intuition ! Il n’est plus question de nos jours que de GPS ou de pseudo détecteurs de cavités utilisant les ondes électromagnétiques à haute fréquence…

— Je dois dire que je partage les états d’âme de Jacques, soupira Max. Il fallait les voir déambuler dans les rues ou dans la campagne environnante tous ces illuminés munis de cartes d’état-major surchargées d’annotations et de savants calculs, poussés par une trigonométrie de bazar aux triangulations aussi hasardeuses qu’improbables.

— Tout ça n’a peut-être pas complètement disparu, osa Victoire, car nombreux sont les sites sur Internet où j’ai lu d’innombrables hypothèses du même genre.

— C’est vrai, c’est vrai, fit Max, mais les chercheurs de trésors creusant des trous ont bel et bien cédé la place à des Sherlock Holmes de pacotille ! Autre temps, autres mœurs, comme disait l’antique… Le fin mot de l’histoire, c’est un habitant de Rennes-le-Château qui me l’a confié un jour : “Le secret du curé aux milliards est au fond d’une tombe !

— Laquelle ? interrogea la jeune femme.

— Ça, ma pauvre Victoire, il s’est bien gardé de me le révéler… Et c’est pour cela que nous sommes encore là aujourd’hui. Mais vous, au fait, vous ne nous avez pas raconté comment vous aviez fait connaissance avec ce cher Bérenger ?

Richard allait commencer à répondre quand elle lui asséna un violent coup de genoux doublé d’un geste plus discret, l’un comme l’autre l’enjoignant très clairement de se taire.

— Disons, heu… que…

— La télévision ? Des livres ?

— Oui, c’est ça ! s’exclama Victoire avec soulagement. Un peu tout ça à la fois…

— Tenez, voilà vos plats qui arrivent ! dit Jacques.

Cette irruption gastronomique tant attendue venait mettre un terme à point nommé à une situation que Victoire jugeait embarrassante. Bien que les deux hommes fussent sympathiques et agréables et qu’ils connussent de A à Z tout ce qu’il y avait à savoir sur l’histoire de Rennes-le- Château, elle trouvait néanmoins inopportun ou prématuré de leur parler de la carte de l’abbé et de ses liens familiaux avec Richard.

Les antiquaires n’avaient pas menti : les époux Louvrier se régalèrent en découvrant une cuisine moins traditionnelle qu’ils ne le croyaient et surtout beaucoup plus fine et inventive. »

 

Extrait du Coeur des écorchés, éditions Gérard Louis (2016)

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