Mythique Soleil de Langres...

Mythique Soleil de Langres, vigie emblématique de nos souvenirs d’enfance quand l’heure était à l’insouciance et aux excitants et lointains départs en vacances vers un Sud plus mystérieux encore…  À un moment donné du trajet, il était là, dressé sur le bas-côté dans son dénuement de métal découpé, brillant sous le soleil du matin et annonciateur -précoce- d’un rivage méditerranéen qui tardait à venir pour des petits Lorrains impatients sur la route de l’été. Il était là, solitaire dans son immobilité hiératique le long de l’A31, étrange assemblage de tiges et de boîtes de conserves déroulées sous les yeux d’enfants peu habitués à cette modernité inattendue.  Il était là avec son air bizarre d’éolienne de pompage sortie d’un champ galactique plutôt que de la campagne haut-marnaise traditionnelle : une anomalie dans le paysage, une incongruité post-moderne campée sur ses pattes d’acier, regardant en coin les voitures qui filaient vers des horizons inconnus, auto-stoppeur immobile un peu gauche comme l’albatros de Baudelaire mais touchant dans sa fonction d’Atlas contemporain, chargé de porter rien moins que le Soleil !

Et puis les années ont passé, le regard que je portais sur lui a changé. J’ai commencé à le voir, à le voir vraiment. Toujours avec une petite joie bien enfouie au plus profond de ma mémoire mais avec, en plus, le sentiment de retrouver le temps d’un passage furtif à sa hauteur un vieux compagnon de voyage doublé d’une œuvre d’art que la vitesse autoroutière ne permet pas, hélas, d’apprécier à sa juste valeur. J’ignore tout de Louis Leygue, son auteur, décédé il y a une vingtaine d’années mais j’ai comme dans l’idée que cette graine d’art moderne qu’il a plantée là, autant sur ce bord d’autoroute aux allées et venues incessantes que dans nos mémoires inconscientes, a fait et fera naître encore d’innombrables rêveries à celles et ceux qui ont passé et passeront à nouveau, en hiver comme en été, de jour comme de nuit, au pied de ce Soleil,  discret gardien intemporel de nos souvenirs évanouis…