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Les livres de Jérôme Thirolle
30 juin 2017

Festival Renaissances !

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« Ils atteignirent Bar-le-Duc en fin d’après-midi. Leur séjour n’avait pas vocation à perdurer puisqu’ils devaient repartir dès le lendemain pour Paris. Ils s’attendaient naturellement à découvrir une localité de province, semblable à tant d’autres “avec ses souvenirs un peu minces, d’où y’a pas beaucoup d’trains qui partent” pour reprendre les paroles d’une chanson d’Eric Frasiak (Bar-le-Duc City Blues, tirée de l’excellent album Parlons Nous.),mais quelle ne fut pas leur surprise en arrivant dans une ville en pleine effervescence, une Cité des Ducs plongée dans un maelstrom de couleurs, de costumes, d’échoppes et de spectacles de rue permanents.

Les vieilles pierres des façades de la Ville Haute s’étaient chamarrées d’oriflammes flamboyants pour mieux surplomber avenues et ruelles, grouillantes d’une foule immense qui drainait compulsivement les artères de ce quartier historique comme le sang le fait pour un organisme plein de vie. Ils débarquaient sans le savoir en plein Festival RenaissanceSUn long week-end annuel où la ville championne mondiale dans l’art d’épépiner les groseilles à la plume d’oie s’abandonnait sans retenue à une frénésie de poésie, de spectacles burlesques et de tableaux vivants surréalistes sur un fond d’odeur de gaufres, de feux d’artifice et de cornemuses. Une sorte de Cour des Miracles démesurée où une Barbie martyrisée côtoyait des courses d’escargots géants et où un violoncelliste talentueux interprétait en solo le répertoire le plus trash d’AC/DC pendant qu’un Père Noël véreux exhortait les enfants à fumer et à boire dans l’enthousiasme déjanté insufflé par une troupe de Scotcheurs Eclairés. Chorégraphies improvisées, arts du cirque, acrobaties psychédéliques, tendresse inattendue, marionnettes philosophes ou saltimbanques “timbrés” : partout une folie communicative s’emparait de la ville sous l’impulsion d’une étrange cohorte de maîtres de cérémonie en livrées à brandebourg invitant sans cesse les passants à “utopier à tort et à travers”. Nos deux Parisiens furent complètement dépaysés en quelques minutes, emportés par un flot de spectateurs avides de nouvelles émotions déconcertantes et de rires irrépressibles.

Richard se laissa plus particulièrement séduire par une petite troupe qui réinterprétait les dialogues cinématographiques français les plus populaires (Hôtel du Nord, Les Valseuses, La Grande Illusion, Buffet Froid, La Traversée de Paris, Pépé le Moko entre autres) avec scénettes et chansons, le tout accompagné par deux orgues de barbarie, l’un mécanique à flûtes et hanches, l’autre pneumatique à flûtes. Les connaisseurs apprécieront.

Victoire, quant à elle, tomba immédiatement sous le charme d’un certain Jean-Claude Fisher, escogriffe en costume blanc qui avait pris place sur les marches de l’église Saint-Etienne, ancienne église Saint-Pierre, but de leur voyage. Adepte d’une improbable fouarce, mélange de foi et de force, servi par deux acolytes, manipulateurs d’artifices pour l’un et joueur de guitare Heavy Metal tendance gothique pour l’autre, le bonimenteur se proposait de soulever l’édifice à deux mètres de hauteur par la seule puissance de la volonté, de le faire pivoter à droite puis à gauche avant de le reposer délicatement, en veillant à ne pas endommager cette merveille architecturale séculaire. Rires garantis. Sous l’œil d’une Victoire éberluée, choisie au hasard dans la foule par un comparse du comédien pour superviser la délicate opération ! Mauvaise foi, bassesses, chantage, fantaisie délirante : elle n’avait jamais ri de si bon cœur aussi longtemps. Les trois hommes exhortaient la foule à “croire à l’impossible”, assurant tout un chacun que son golden day, en gros son jour de bonheur, était arrivé. Il faisait nuit quand le spectacle prit fin. Victoire et Richard s’achetèrent des encas “du terroir” afin de pouvoir continuer à déambuler librement dans cet univers décalé, différant autant qu’il était possible leur rendez- vous avec la créature fantomatique de Ligier Richier.

L’imminence d’une grande féerie pyrotechnique nocturne, clou annoncé de ce samedi de festival, entraîna une partie de la foule à l’autre extrémité de la place Saint- Pierre, à l’opposé du parvis de l’église. »

Le Coeur des écorchés

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