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Les livres de Jérôme Thirolle
4 février 2019

Chapitre 35 La dernière chance (1/6)

Estaminet PhotoJT

Chapitre 35 La dernière chance (1/6)

Le contact de l’eau glacée sur la peau au réveil était encore la seule méthode qu’il avait trouvée pour sortir de cette nuit interminable qui lui avait obstinément refusé le sommeil. Une de plus. Rien à voir cependant avec les 4 500 taxis parisiens, les dizaines de milliers d’infirmières dans les hôpitaux ou les centaines de milliers de danseurs occasionnels qui s’étaient déhanchés sur les pistes des discothèques de France et de Navarre. Ni avec les halles de Rungis qui avaient pourtant partagé son sort en cette nuit agitée. Les yeux rougis de Richard et son épuisement physique provenaient uniquement de cette angoisse qui lui ôtait désormais chaque seconde de vie. Un chancre dévorant qui lui froissait le cœur comme un vieux journal devenu inutile. Si Macha Bérenger avait encore été de ce monde, sa voix éraillée aurait peut-être conduit quelques heures durant le jeune Parisien sur le chemin des insomnies accompagnées mais le transistor se taisait. Comme lui. À qui aurait-il pu parler de toute manière ? Il était seul, désespérément seul. Séparé de celle qui était son propre équilibre. C’était maintenant qu’il le comprenait. Un peu tard. Il descendit le premier dans la salle du petit déjeuner, avala trois fois rien puis regagna sa chambre. Sans plus attendre, il rédigea une courte lettre suppliant les ravisseurs de libérer Victoire et expliquant qu’il ne détenait aucun document ni aucune information sur le trésor de l’abbé Saunière. Il ouvrit la fenêtre en grand puis attendit que le carillon d’une église toute proche sonnât 11 heures 45 pour se décider enfin à sortir. Des heures à rester assis sans dire un mot. À regarder tantôt le plafond, tantôt la tenture un peu défraîchie qui encadrait l’ouverture par laquelle s’engouffrait sans obstacle la chaleur du jour.

Le moment du rendez-vous était arrivé. Il alla jusqu’au café derrière l’hôtel et déposa comme convenu l’enveloppe sur le comptoir à midi pile. Il était inquiet. Il commanda une bière puis s’installa à une petite table d’où il pouvait voir tout ce qui se passait dans l’estaminet. Il regarda autour de lui mais personne ne lui parut suspect. À moins que cela ne soit le contraire. Finalement, ils avaient tous l’air louche.

Trois quarts d’heure plus tard, il ne s’était toujours rien passé. L’enveloppe restait, elle aussi, désespérément seule sur le comptoir. Les allées et venues des habitués étaient entrecoupées par des considérations sur le match de foot de la veille ou par des commentaires politiques de tous ordres. D’un coup, la porte du café - étrangement nommé Au chien qui pleure - claqua bruyamment. Richard sursauta.

— Salut les gars ! Vous connaissez la dernière du garagiste ? Quelle est la différence entre une femme et une voiture ? Eh bien, plus une femme couine quand on est à l’intérieur et plus on la garde longtemps !...

— Qu’il est con celui-là ! s’exclama le cafetier en riant.

Richard les observait avec incompréhension.

— Un garagiste avec de l’humour, renchérit un homme adossé au baby-foot, c’est courant comme les cercueils à deux places !

Dépité, le mari de Victoire régla sa consommation puis sortit. Il resta à quelques mètres du café pour en surveiller l’entrée mais ne remarqua rien de particulier. Il apercevait toujours sur le zinc le léger relief que formait son enveloppe. S’était-il trompé d’endroit ? N’avait-il pas compris les directives du ravisseur ? Les perspectives de retrouver son épouse s’amenuisaient encore un peu plus…

Après une heure d’attente, il décida de regagner sa chambre d’hôtel. Dans une ruelle adjacente, bien calé dans le fauteuil de sa voiture, Jay observait la scène. Les ordres du Chef avaient été clairs : il ne fallait pas le lâcher d’une semelle, “même s’il allait pisser !”. Diego avait donc emboîté le pas à Richard dès que ce dernier était rentré dans le café. L’un et l’autre homme ne s’étant jamais croisés, il avait pu s’installer sans difficulté à quelques tables de celle de Richard. Apparemment plongé dans la lecture d’un journal sportif renommé, il n’avait pas quitté des yeux le jeune parisien. Il l’avait vu ainsi déposer le pli sur le comptoir, attendre puis repartir.

À l’extérieur, Jay l’avait vu surveiller l’entrée puis, bredouille, quitter l’endroit ensuite. Ce que vit Diego juste après se révéla beaucoup plus intéressant : alors que Richard venait à peine de disparaître, le patron ramassa discrètement l’enveloppe et la glissa entre deux rangées de verres. Une femme entra soudain par une porte située derrière le comptoir, un accès qu’on ne distinguait pas de prime abord, puis tendit au patron une enveloppe en échange de l’autre. La scène ne dura que quelques secondes. Diego quitta alors précipitamment sa table pour rejoindre Jay et lui dit de faire immédiatement le tour du pâté de maisons. Au moment où la berline démarrait, une voiture blanche au volant de laquelle Diego reconnut la femme du café les croisa.

— C’est elle, il faut la suivre ! Vite, fais demi-tour !

— Relève au moins le numéro de la plaque d’immatriculation, on ne sait jamais ! répliqua Jay.

Dès la sortie de Couiza, la voiture blanche accéléra brutalement, au mépris le plus total des limitations de vitesse.

— On va la perdre, fais gaffe ! s’écria Diego.

— Comment veux-tu la suivre sans se faire repérer à l’allure où elle roule !

La rattraper aurait été chose facile - leur véhicule étant beaucoup plus puissant que le sien - mais ils auraient perdu en discrétion ce qu’ils auraient gagné en distance. Il ne fallait pas prendre de risques inutiles, ni même éveiller de soupçons du côté des ravisseurs. Les deux hommes décidèrent donc d’abandonner la poursuite et de regagner leur repaire, d’autant qu’avec les entrées qu’ils avaient au commissariat du coin, retrouver l’identité du propriétaire de la voiture ne prendrait pas beaucoup de temps…

à suivre...

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