Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les livres de Jérôme Thirolle
30 décembre 2019

La Pastorale des santons de mon village : Blanche

 

Blanche PhotoJT

 

La Pastorale des santons de mon village : Blanche

Ce bruit de claquement sec en plein vent est reconnaissable entre mille ! Aucun doute possible, Blanche est là ! Blanche, la bien-nommée. Et ce bruit, c’est celui du linge qu’elle s’apprête à faire sécher au soleil et qu’elle secoue pour en atténuer les plis. Elle n’a pas son pareil au village pour redonner aux étoffes leur éclat d’origine ou pour en raviver les couleurs, avec une prédilection pour une couleur qui n’en est pas une : le blanc. La sienne.

Les jupons de dessous de Madame la Marquise, les dentelles de ces dames ou encore les vêtements liturgiques  de l’enfant de chœur, du bedeau ou de Monsieur le curé : tout y passe. C’est un peu comme si elle possédait un secret, celui de laver les souillures, d’effacer la grisaille, de purifier en profondeur la trame la plus intime des toilettes dissimulées ou des parures arborées avec ostentation. Une fois entre ses mains, les tissus rendus crayeux, ivoirins ou laiteux avec le temps et l’usage retrouvent leur aspect du premier jour, sans usure ni altération. Comme un retour en arrière qui, tout en polissant, ne polirait rien.

Bien audacieux serait celui qui se hasarderait à avancer une explication. Oh, bien sûr, il n’y a là ni mystère ni miracle, juste une savante utilisation des merveilles de la Nature. Vous ne la verrez jamais au lavoir, non, Blanche préfère monter vers la colline avec son fardeau, au bord d’on ne sait quel ruisseau, pour plonger dans l’eau purificatrice les étoffes qui lui ont été confiées avant de les en ressortir, immaculées ou ravivées selon le besoin.

« _ M’est avis qu’un carbonate en est la cause ! » s’était exclamé une fois l’apothicaire en la fixant droit dans les yeux.

Blanche avait souri puis s’en était allée sans dire un mot. De toute façon, à quoi bon lui arracher ce secret ? Sa pureté virginale et sa bonne humeur permanente malgré les années qui passent et qui, petit à petit, rehaussent les traits de son visage de rides discrètes, font d’elle une « belle personne », un point c’est tout. La beauté n’a parfois rien à voir avec la beauté, les yeux et le cœur savent distinguer l’une de l’autre…

Blanche. Blanche comme la neige, blanche comme le lait. Elle se confond avec sa couleur et s’approprie son nom. Les deux ne font plus qu’un, ne font plus qu’une. Elle. Elle et le blanc. Là aussi, il n’y a que le cœur ou les yeux pour faire la différence… Le blanc de son bonnet, le blanc de son corsage, le blanc des draps qu’elle étend près de la fontaine les jours de marché, le blanc des plastrons et des cols amidonnés, le blanc du berceau, le blanc du linceul, le blanc des nuages qui filent dans le ciel, le blanc de ses grands yeux qui regardent au loin par-delà les obstacles, le blanc des péchés en devenir : elle est tout cela à la fois. Un peu comme une flamme qui ne brûle pas, une flamme qui serait blanche. Blanche, son prénom…

À suivre...

Publicité
Commentaires
Les livres de Jérôme Thirolle
Publicité
Les livres de Jérôme Thirolle
Archives
Albums Photos
Pages
Publicité