La Pastorale des santons de mon Village : La Fontaine du Village

La Fontaine du Village

Une fontaine, ici, dans cette Pastorale ? Oui, je le reconnais, cela peut surprendre, d’autant que je me suis toujours attaché jusqu’à maintenant à ne mettre en valeur que des personnages du Village mais j’estime que le moment est venu de tourner les projecteurs vers ce point de rassemblement incontournable qui est la fontaine.

Érigée au début du XIXe siècle à l’endroit même où elle se trouve aujourd’hui, sachant que la tradition veut qu’elle a été construite sur un point d’eau plus ancien, voire antique, qui ressemblait plutôt à une sorte de puits ; elle a toujours été à la croisée des rues du village, attirant à elle aussi bien les êtres humains que les animaux, que ce soit pour boire, s’abreuver, discuter ou se rencontrer.

Elle est un peu à la population ce que l’église a été à la communauté depuis ses origines les plus lointaines, un lieu de rassemblement, un point d’ancrage collectif, mais sans ornementation et à ciel ouvert…

Ni les conflits, ni les guerres de jadis, ne sont venus en altérer l’aspect, à peine ici ou là quelques éraflures ou un petit morceau de pierre manquant. Les gros blocs appareillés sont solides et ne sont effleurés que par la patine des jours… Peut-être est-ce dû au fait que tout le monde y prête la plus grande attention, allez savoir… Toujours est-il qu’au-delà de cette dimension utilitaire, un sens plus caché pourrait lui être conféré, du moins est-ce l’opinion parfois émise à son sujet par quelques érudits locaux qui, force constatations astronomiques et géophysiques à l’appui, ont établi avec certitude que les quatre robinets sur chacune de ses faces étaient orientés exactement sur les points cardinaux. 

Coïncidence ? La chose paraît peu probable. Un ajustement aussi précis ne peut être le seul fait du hasard… On peut imaginer que les forces encore vivaces de la superstition puissent inciter de nos jours tel ou tel à privilégier le robinet du Sud, de l’Est, de l’Ouest ou du Nord, en fonction de ses attentes et de ses craintes ou simplement à se placer à leur proximité pour se mettre à l’abri de forces invisibles protectrices, par-delà les évidences de la raison.

 Qui, dans le village, n’a pas éprouvé de soulagement à s’asseoir sur le bord de la margelle, usé par les générations qui l’ont précédé, contemplant les reflets du ciel dans cette eau qui semble d’un bleu cristallin alors qu’il est d’une transparence et d’une pureté parfaite ?...

La fontaine est le lieu de toutes les convergences, de toutes les amitiés ; des amours s’y sont noués, des haines peut-être y ont vu le jour, des ennemis s’y sont réconciliés, mais qu’importe après tout ! Elle reste le point névralgique du village, son âme, le centre de gravité de cette petite collectivité qui s’épanouit simplement sous le soleil méridional…