La Pastorale des santons de mon village : le chiffonnier

«  Chiffonnier, c’est pas une vie ! ». C’est ce qu’on entend parfois dans le village. Lui, pourtant, ne s’en plaint pas. C’est la sienne après tout, et malgré toutes les fariboles que lui raconte monsieur le curé quand il le croise, c’est la seule qu’il aura, du moins sur cette bonne vieille terre. Alors autant faire avec.

Ramasser rapiécer, raccommoder : ces trois verbes résument en grande partie son existence. Récupérer, aussi. Du développement durable avant l’heure, en quelque sorte. Il faut le voir sur les chemins poussiéreux, ployé sous un faix imposant, au moins deux fois plus gros que lui. Du travail de fourmi, presque. Jamais personne ne l’a entendu se plaindre. Il est là, du matin au soir et du soir au matin à fureter pour dégotter, pardonnez le terme, une étoffe, un bout de tissu, un vieil habit usé jusqu’à la trame. Et c’est là que la magie opère : sans cet infatigable artisan de l’ombre, point de nouveaux draps, point de vêtements à la mode. Faire du neuf avec du vieux, rendre utile l’inutilisable, redonner sa place à ce qui en était dépossédé. Bel et vaste programme…

Eh bien c’est à lui qu’incombe cette noble tâche, à lui et à sa fidèle bourrique qui le suit pas à pas depuis tant d’années. Quand on voit l’un, on devine l’autre et réciproquement.

Arlequin coloré dans la fadeur pierreuse d’un paysage écrasé de soleil, apôtre rapiécé et discret de l’indispensable chose commune, il a toute sa place dans le village. Mais à force d’oublier les petits, les insignifiants, on finit par ne plus les voir, ici comme partout ailleurs… Alors rappelons-nous la réplique du renard dans le Petit Prince : « On ne voit bien qu’avec le cœur ». A méditer…

À suivre…