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Les livres de Jérôme Thirolle
21 décembre 2015

La Pastorale des santons de mon village : la vieille près du puits

 

La vieille PhotoJT

Qui dans le village n’a pas aperçu au détour d’une ruelle par un petit matin calme la silhouette voûtée de la vieille qui habite près du puits ? Une vilaine femme, pour certains. Quand on leur demande pourquoi, ils ne savent pas l’expliquer mais ils l’ont entendu dire. Par qui, en quelle occasion, pour quel motif ? Mystère… En fait, bien avisé serait celui capable d’apporter une explication à ce jugement…

Personne ne lui parle et elle ne parle à personne. Tant est si bien qu’on a fini par oublier son propre nom. Elle n’est plus que « la vieille près du puits ». Toujours à ronchonner pour les uns, à maudire ceux qu’elle croise pour les autres. Limite sorcière mais pas tout à fait. Jamais présente à l’église, jamais là pour les fêtes de l’année, jamais là les jours de marché. Elle ne vit que des quelques expédients que lui fournissent son petit jardin et son élevage de poules ou de lapins. Là-bas, au pied de la colline, près du vieux puits. Autant dire, à l’autre bout de ce petit monde. Personne ne se souvient l’avoir connue jeune et seule cette fragilité courbée sous les ans, le front plissé et les yeux noirs, rappelle son existence aux yeux de ses semblables. Une existence furtive, déjà presque effacée. On dirait qu’elle cherche elle-même à se rayer de la mémoire des hommes. Quels malheurs ont-ils pu l’accabler au point de vouloir cesser tout commerce avec les villageois ? A-t-elle de la famille quelque part ? A-t-elle aimé, un jour, tout simplement ? Nul ne le sait. Mais la réponse est peut-être dans cette dernière question. Seul un immense chagrin peut avoir conduit cette pauvre femme à s’imposer ce cilice quotidien. Fuir le monde et fuir les hommes pour n’avoir pas reçu l’amour qu’elle attendait en retour du sien. L’hypothèse est séduisante et pourrait expliquer à elle seule ce bannissement volontaire.

Plutôt que de l’accabler davantage, ne faudrait-il pas au contraire la plaindre ? Ou l’aider ? Reconnaissons cependant qu’elle ne fait rien pour y contribuer… peut-être y-a-t-il quelqu’un dans le village qui sait ? Et qui se tait… Mais nous n’en dirons pas plus. Elle fait partie de la communauté, à sa manière. Laissons-la donc en paix, si c’est son souhait.

Mais dire qu’au jour où il faudra la porter en terre, on ne saura même pas lui donner un nom ! Le sien…

À suivre…

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