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Les livres de Jérôme Thirolle
29 août 2019

Chapitre 55 Le Mausolée du Cœur

 

Chapitre 55 Le Mausolée du Cœur

 

Mausolée PhotoJT

 

Dans une splendeur grandiose et dépouillée, il était là, devant eux, protégé par une haute et épaisse grille de fer forgé ornée de palmettes dorées. Surplombant un soubassement maçonné aux armes de Lorraine et de Bar sur lequel reposait la somptueuse dalle de marbre ayant appartenu jadis à la sépulture des Ducs, la dépouille de René de Chalon semblait s’extraire comme par magie d’un manteau d’hermine peint il y a plus de deux siècles déjà par Varembel.

Au-dessus, un blason symboliquement vierge de toute armoirie entouré du collier de la Toison d’Or et surmonté d’un casque imposant rappelait la gloire passée du Prince d’Orange tandis que, tout autour, douze consoles * complétaient l’ensemble et lui conféraient le titre respectable de Mausolée du Cœur entre deux colonnes corinthiennes sombres comme la nuit.

 

* Au départ, douze statues de marbre blanc d’un pied de hauteur et originaires de la Collégiale Saint-Maxe ornaient ces niches. Représentant les apôtres, elles dataient du XVe siècle et furent vandalisées en 1793 puis remplacées par de “grotesques tibias surmontés d’une larme” (Lucien Braye) dont on aperçoit encore quelques vestiges dans l’ossuaire situé sous le Transi. Les consoles sont vides de nos jours.

 

Richard et Victoire étaient à la fois émus et heureux. Emus d’avoir pu parvenir jusqu’à lui, heureux de l’avoir découvert par hasard et de se retrouver maintenant à ses pieds, humbles et recueillis. Soudain, l’un des deux tira l’autre par la manche et lui montra d’un doigt tremblant un détail discret qui échappait au premier regard mais qui confirmait pourtant sans ambiguïté la présence du trésor, là, quelque part sous le cénotaphe. Ils en restèrent tétanisés de longues secondes. Ils avaient sous les yeux le signe évident de la présence de l’antique coffre-fort de la Chrétienté dont l’abbé Saunière puis Henry Bataille avaient partagé le secret avant eux.

Debout, à côté de la treizième station du chemin de croix, ils ne disaient plus un mot, indifférents aux badauds qui se déplaçaient dans l’église.

 

Transi couleur

 

Richard actionna ensuite le bouton poussoir d’une minuterie qui éclairait le Transi ainsi qu’un ossuaire aménagé dans le soubassement de l’édifice funéraire. Curieuse par nature, Victoire s’agenouilla puis se releva vite, esquissant une grimace de dégoût. On apercevait en effet derrière la grille, sous la base rouillée qui supportait la dalle de marbre noir, deux boîtes aux couvercles de verre contenant des morceaux de crânes et des ossements. Une affichette précisait l’identité de ces restes princiers épars, victimes de la furie révolutionnaire du Bataillon du Temple en 1793 : Comte Henri IV (mort en 1344), Iolande de Flandres, son épouse (1328-1395), Robert le Magnifique, 1er Duc de Bar (1342-1411), Marie de France, son épouse (1344-1404), Edouard III leur fils, tué à Azincourt en 1415 et d’autres plus anciens encore, sans certitude cependant.

 

Ossuaire PhotoJT

 

— Beurk ! murmura la jeune femme.

— Tu exagères, on n’est plus à un macchabée près ! fit Richard en désignant le Transi d’un air amusé.

Victoire s’apprêtait à lui répondre du tac au tac quand Cornélius Douze-Janvier s’élança vers eux, un révolver muni d’un silencieux pointé dans leur direction.

— Ne bougez plus ! Au moindre cri, au moindre geste, je vous descends ! dit-il en les obligeant à reculer dans l’angle formé par le mur et la grille.

— Mais qui c’est celui-là ? s’étrangla Richard, surpris et déconcerté à la fois.

— Je perdrais trop de temps à vous l’expliquer ! répliqua le Comte de Loudenhove avec une détermination qui leur fit froid dans le dos. Ne craignez rien, je ne suis pas une brute. Vous ne souffrirez pas, j’y mettrai un point d’honneur ! C’est donc là qu’il se cache vraisemblablement ! s’écria-t-il en posant de grands yeux admiratifs sur le chef d’œuvre de Ligier Richier. C’est si évident !...

Le choc de cette apparition impromptue fut tel que Victoire sentit ses jambes se dérober sous elle. La jeune femme était sur le point de défaillir quand le moine masqué qui avait étranglé Bogdana un peu plus tôt fondit soudain par surprise sur Cornélius. On se serait cru alors dans un mauvais polar. Une courte lutte d’une très grande violence s’engagea avant de s’interrompre après que trois détonations étouffées par le silencieux de l’arme eussent retenti dans les froissements de vêtements et les coups que les deux hommes se portaient. Les corps s’immobilisèrent un instant puis s’affaissèrent lentement, comme dans un ralenti de cinéma. À peine terrassé, le Comte de Loudenhove essaya de se relever. N’y parvenant pas, il s’efforça de ramper sur une vingtaine de centimètres. Un long filet de sang ininterrompu s’écoulait de sa bouche.

— Oh non, c’est trop tôt, pas comme ça, pas si près du but… confessa-t-il en suffocant avant de retomber sur le sol. Définitivement.

Paralysés par l’effroi, Richard et Victoire comprirent qu’il avait cessé de vivre.

Aussitôt, ils s’arrachèrent à leur refuge de fortune – qui aurait pu tout aussi bien devenir le lieu funeste de leur supplice - et s’approchèrent de l’autre corps étendu sur le pavé de l’église. L’homme semblait respirer encore. Moins par curiosité que par volonté de lui venir en aide, Victoire souleva avec précaution la cagoule qui dissimulait son visage et poussa un cri :

— Sigismond Tournebouix ! L’hôtelier de Couiza.

Lui aussi perdait beaucoup de sang. Il remuait les lèvres avec difficulté. Elle se pencha pour tenter de percevoir le murmure à peine perceptible qui s’en échappait :

— Vous êtes désormais seule à savoir, donà Louvrier… J’étais le dernier survivant de notre confrérie… Le secret de la confession a été trahi… Cet or est maudit… Donà Victoire, prenez garde…

Il se tut brusquement. Son corps tout entier parut traversé tout à coup par une douleur foudroyante puis il expira, rejetant violemment en arrière sa tête de centaure occitan.

Indifférent au drame qui se jouait à ses pieds décharnés, le Transi replongea dans l’obscurité. L’éclairage de la minuterie était arrivé à son terme.

La jeune femme, bouleversée par cette nouvelle tragédie, s’effondra en larmes dans les bras de son mari.

à suivre...

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