Le Roi au pays des Aulnes...

Le Roi s'en est retourné au pays des Aulnes... Michel Tournier est mort ce soir en son domicile de Choisel.

S'il me fallait distinguer un auteur qui m'a amené à écrire, c'est bien lui. Son Roi des Aulnes a d'abord été un choc. Et puis j'ai lu le reste de ses oeuvres...

Je lui avais envoyé en 2002 mon tout premier texte, L'Ile solitude, en hommage à un autre de ses romans, et il m'avait adressé cette si belle dédicace dont j'ai déjà parlé sur ce blog :

http://leslivresdejt.canalblog.com/archives/2002/07/10/22341383.html

Je terminerai par cette citation tirée de Nécrologie d’un écrivain (la sienne !), dans l'ouvrage  Des clefs et des serrures :

« Ses cendres sont déposées dans son jardin à l’intérieur d’un tombeau sculpté représentant un gisant au visage masqué par un livre ouvert […] »

 Un Maître s'en est allé...

Pour terminer, je voudrais livrer la lettre que je lui avais écrite en 2008 en accompagnement des Doigts d'or d'Elise...

" Bar-le-Duc, le 05 septembre 2008

Cher Monsieur Tournier,

 Je m’étais permis il y a six ans de vous écrire la lettre qui suit :

« Cher Michel Tournier,

 Il y a de cela plusieurs mois, je suis tombé par hasard sur un article d’un journal local qui annonçait l’ouverture d’un concours littéraire organisé par le Village du livre de Fontenoy la Joute (Meurthe-et-Moselle) avec pour thème  « Les nouveaux Robinson ». Il y était également précisé que vous présideriez vraisemblablement le jury chargé de sélectionner les nouvelles qui devaient faire l’objet par la suite d’une publication. L’idée m’a immédiatement séduite, non pas tant par le thème retenu que par l’annonce de votre présence dans cette petite aventure littéraire. Je suis en effet un grand admirateur de votre œuvre. A vrai dire, je l’ai découverte de manière fortuite : il y a presque une dizaine d’années, celle qui allait devenir mon épouse avait acheté un livre qu’elle abandonna après quelques vingt ou trente pages, déconcertée et rétive aussi bien à l’écriture qu’au récit qui y était narré. Par curiosité et sans idée préconçue, je me suis mis à lire cet ouvrage : Le Roi des Aulnes. Ce fut pour moi alors un choc intense. A peine avais-je terminé de lire ce livre que j’entamai une seconde lecture encore plus jouissive que la première. J’ai été fasciné d’emblée à la fois par votre style, par votre façon d’écrire et par les mises en perspectives complexes que vous savez faire naître, à l’image de la célèbre inversion maligne.

Resté sur ma faim, j’ai acheté un deuxième livre puis un troisième et ainsi de suite. A ce jour, j’ai lu -je le suppose du moins- la plupart de vos récits (romans, nouvelles, contes, essais, commentaires de photographies…) toujours avec le même plaisir renouvelé. Ouvrir un livre de Michel Tournier, c’est un peu de bonheur que je m’accorde.

Voilà pourquoi j’ai décidé de participer à cette épreuve en voyant votre nom qui y était associé.

Certes les choses ne se sont pas passées comme prévu : une autre personne a finalement présidé le concours et les nouvelles retenues -dont la mienne- ont été publiées dans un petit ouvrage édité par l’association des Amis du livre de Fontenoy la Joute.

Avec infiniment de modestie, je me permets de vous adresser un exemplaire de ce recueil. La nouvelle que j’ai écrite s’intitule « L’île solitude ». Le récit met en scène un Robinson moderne, loin des hommes et de la société, qui se découvre -in fine, grâce à un miroir- lui même Vendredi.

J’espère que vous aurez l’occasion de parcourir ces textes, même rapidement.

 Je vous en remercie par avance et vous renouvelle toute l’admiration qui est la mienne pour votre œuvre, si riche et si fascinante.

Vous en souhaitant bonne réception, je vous prie d’agréer, cher Michel Tournier, l’assurance de mes salutations littéraires et dévouées.

Cordialement,

Jérôme THIROLLE »

Vous m’avez alors fait l’honneur de m’adresser en retour votre ouvrage Journal extime enrichi d’une dédicace faisant référence à la nouvelle qui avait fait l’objet de mon courrier.

Aujourd’hui, c’est à mon tour de vous adresser en toute humilité mon premier roman qui vient de paraître aux éditions de l’Ecir.

Après un passage de quelques années à Chaumont (Haute-Marne), j’ai voulu faire revivre au-delà de toute l’épopée que représentait la ganterie locale désormais disparue, la destinée d’une femme (faire revivre des personnages qui n’ont pas existé : n’est-ce pas là le propre d’un roman ?…), Elise Fauconnier, avec sa fragilité et sa modernité, sa force et son courage.

Je me permets donc de vous adresser cet ouvrage en le dédicaçant à mon tour à celui que je considère comme l’un des plus grands écrivains français, un « classique » comme vous diriez…

A trente-huit ans, je ne connais pas grand-chose au monde littéraire (je dirige une Caisse primaire d’assurance maladie…) mais je  voudrais qu’en ouvrant mon livre, le lecteur puisse tout oublier et qu’il se laisse glisser dans le récit que j’ai imaginé pour lui … 

 Vous en souhaitant bonne réception, je vous prie d’accepter, Cher Monsieur Tournier, l’assurance de ma respectueuse admiration.

 Jérôme THIROLLE "