Le couple aux fleurs...

La Pastorale des santons de mon village : le couple aux fleurs

Il y a chez eux quelque chose d’une naïveté admirable. Une vraie qualité plutôt qu’une forme de défaut. Il n’est qu’à les voir, heureux, au milieu de leurs fleurs de toutes les couleurs. Lui, la voix douce et posée, presque en décalage avec son physique un peu bourru ; elle, aussi souriante que discrète.

Leur présence sur le marché du village chaque semaine est un moment attendu, aussi bien par les habitants en quête de bouquets que par la bonne du curé qui y trouve toujours le moyen d’embellir joliment l’église pour la messe du dimanche. Les fleurs, c’est leur vie. Ils y puisent une joie qui les irradie et qui se transmet à travers couleurs et pétales jusque dans les masures les plus obscures de ces lieux. Ce bonheur permanent, ils l’ont décidé par choix, toujours, coûte que coûte.

Et pourtant, Dieu sait que la vie ne les a pas épargnés. La terrible épidémie qui frappa le village il y a quelques années et dont, par pudeur, on préfère taire désormais jusqu’à l’existence, emporta dans sa brutalité aveugle la totalité de leurs six enfants, sans que le médecin n’y puisse opposer sa science ni le curé la bienveillance cruelle du Très-Haut. Six petits anges qui s’en sont allés les uns après les autres, comme des étamines emportés par un vent mauvais. Six petits anges qui reviennent aujourd’hui parmi nous sous l’aspect de ces fleurs qui égayent le quotidien du village. Des fleurs que leurs parents font pousser depuis, partout où ils le peuvent, avant de les offrir à ceux qui les veulent. Je le disais en introduction, il y a chez eux quelque chose d’une admirable naïveté. Oui, car j’ai oublié de préciser qu’ils n’en font bien évidemment pas commerce : ils n’échangent pas leurs fleurs contre des sous mais contre… des sourires ! Pourquoi, me direz-vous ? Oh, c’est simple : qu’elles soient petites ou grandes, solides ou fragiles, ostentatoires ou discrètes, les fleurs ne sont que le sourire des anges. De leurs petits anges disparus.

C’est du moins ainsi qu’ils voient les choses. Un regard de pur bonheur, de vrai bonheur,  porté sur le monde et sur leurs semblables. Une sorte de Flower Power bien avant l’heure, perdu dans les causses méridionales d’un petit village de santons eux-aussi tout en couleurs. Celles du Beau et du Vrai. Le seul, celui qui reste quand tout a disparu…

À suivre…