Chapitre 2 La falaise de Thou
Chapitre 2 La falaise de Thou
Quelque part en France, 25 janvier 1917
Les premiers témoins qui tentèrent de porter secours aux victimes décrivirent d’insoutenables scènes de désolation.
Bien qu’il fût connu pour sa particularité pittoresque - une longue voie ferrée longeant sur plus de deux kilomètres la falaise de Thou, à quelques dizaines de mètres seulement du vide - l’endroit du drame n’avait jamais été endeuillé par une telle catastrophe. Les circonstances de l’accident ne furent pas élucidées. Certains experts invoquèrent la défectuosité d’une traverse ou le mauvais état de la voie, d’autres s’orientèrent vers une double rupture d’essieux ayant pour origine un tonnage bien supérieur à celui que le wagon qui suivait le tender, juste derrière la locomotive, ne pouvait supporter. D’autres mirent encore en avant une explosion de la machine après une surchauffe du timbre de la chaudière ou bien une instabilité anormale d’une partie du convoi due au rajout de wagons de marchandises aux habituelles voitures de voyageurs.
Non pas que la compagnie de chemin de fer exploitant la ligne voulût éviter des surcoûts supplémentaires mais en raison de l’effort de guerre toujours croissant qui entraînait alors une forte pénurie de motrices. Toujours est-il que le train tout entier bascula dans le vide, entraînant dans sa chute funeste la totalité des passagers.
Deux cent quarante-huit corps furent retrouvés dans les restes du convoi, éparpillés sur plusieurs centaines de mètres. Rendues particulièrement difficiles par la configuration des lieux - de nombreuses anfractuosités au pied d’une falaise abrupte -, les recherches s’arrêtèrent après quelques jours d’intense activité. Avec le temps, les noms des malheureuses victimes sombrèrent dans l’oubli.
De même que la cargaison du treizième wagon : vingt-quatre sacs de courrier.
à suivre...